Exploitation et abus sexuels par les Casques bleus de l’ONU

11.UN.jpg

Quel est l’enjeu ?

Des allégations d'exploitation et d'abus sexuels d'enfants au cours des opérations de maintien de la paix mises en place par les Nations Unies ont été révélées pour la première fois dans les années 1990. Depuis lors, les plaintes contre le personnel militaire mandaté par les Nations Unies, la police des Nations Unies et le personnel civil et humanitaire ont continué à faire surface. Plus de 2 000 plaintes ont été déposées à l'encontre de Casques bleus et d'autres membres du personnel civil des Nations Unies dans le monde, dont plus de 300 plaintes par des enfants. Toutefois, le nombre réel d'enfants victimes serait beaucoup plus élevé, alors que seul un petit nombre d'auteurs a été condamné. 

Malgré l'omniprésence du problème, les réformes, la redevabilité ainsi que la réparation pour les victimes sont soit inexistantes, soit beaucoup trop lentes. 

Quel est le problème ?

Si l'ONU a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre l'exploitation et les abus sexuels dans les missions de maintien de la paix, notamment par sa « politique de tolérance zéro » en 2003, le problème n'en demeure pas moins entier. En outre, les cas d'abus en République centrafricaine (RCA) à partir de 2014 ont soulevé de sérieuses inquiétudes quant à la transparence de l'ONU dans le traitement du problème. Il a été révélé que de hauts fonctionnaires des Nations Unies ont mal géré les affaires et qu’il y a eu des tentatives pour garder les allégations hors du domaine public, notamment en enquêtant sur les actions des lanceurs d’alerte plutôt que sur celles des personnes accusées d'abus.

Mais il y a aussi des obstacles juridictionnels. L'ONU n'est pas compétente pour poursuivre les troupes de Casques bleus ou le personnel civil. Les Casques bleus mis à disposition par les États membres de l'ONU ne peuvent être poursuivis que par leur propre État pour des crimes commis en service. Il en va de même pour le personnel des Nations Unies qui bénéficie de l'immunité de toute procédure judiciaire dans l'État hôte pour tout acte illicite accompli dans le cadre de ses fonctions officielles. Par conséquent, très peu de personnes accusées d'avoir commis des abus, des actes d'exploitation ou de mauvaise gestion des cas d’abus, qu'elles soient militaires ou civiles, ont été poursuivies avec succès.

Tout effort de redevabilité a par ailleurs été compromis par un manque d'enquêteurs formés et expérimentés. Par exemple, les preuves de violences sexuelles pendant un conflit armé sont souvent mal recueillies, perdues ou endommagées, et le processus est souvent retardé au point que les preuves ne sont plus utilisables. Les enfants victimes ont souvent été interrogés à plusieurs reprises, sans respect de la confidentialité des échanges dû au peu d'expérience des enquêteurs du travail avec des enfants. Parmi les  obstacles à l'accès des enfants victimes à la justice figurent encore la crainte de représailles, de ne pas être pris au sérieux et l'absence de possibilités de recours.

Quelle est la solution ?

Les questions clés qui requièrent une action urgente sont : le principe de redevabilité pour les violences sexuelles commises par les Casques bleus des Nations Unies, l'accès à la justice pour les enfants victimes, ainsi que la transparence et une plus grande volonté politique au sein des Nations Unies. Les Nations Unies doivent :

  • s'attaquer aux contraintes juridictionnelles afin d'améliorer la mise en oeuvre du principe de redevabilité en établissant un mécanisme de juridiction internationale qui pourrait permettre de poursuivre les troupes de Casques bleus et le personnel civil des Nations Unies ;  

  • protéger les lanceurs d’alerte dans la loi et dans les faits, car leurs actions sont indispensables pour mettre en évidence les irrégularités, les actes répréhensibles et les abus ; 

  • veiller à ce que les auteurs de violences sexuelles soient identifiés et poursuivis dans leur pays d'origine et que le pays fournisseur de troupes soit tenu responsable des actions de ses propres soldats de la paix ;

  • renforcer les protocoles et les processus de collecte de preuves, par exemple en mettant en place des équipes d'intervention pour la collecte de preuves qui peuvent être déployées sans délai ; et 

  • améliorer l'accès aux soins psychosociaux et médicaux fournis aux victimes de violences sexuelles, notamment en clarifiant le caractère global des soins et en précisant qui les prodigue.