Réparer un tort politique — le droit de vote pour les enfants

pencil drawing of a face on a piece of lined paper with a measuring tape across the mouth on a beige background
 

Les enfants bénéficient d’un large éventail de droits, mais un groupe de droits en particulier se fait remarquer par son absence : les droits politiques. Les droits politiques, représentés par le droit de vote, sont une des caractéristiques qui définissent toute démocratie et l’un de leur objectif principal est de donner une voix à tous les citoyens, y compris ceux qui ne seraient autrement pas entendus. Sans le droit de vote, les citoyens ne seraient pas en mesure de faire pression sur leurs représentants politiques sur des sujets qui gouvernent leurs vies et qui leurs sont importants, notamment ceux relatifs aux droits de l’homme, les leurs et ceux des autres. 

Qu’en est-il des enfants ? S’il y a bien un groupe de population systématiquement exclu de ce droit partout dans le monde, ce sont les enfants. Pourquoi ? Parce que qu’apparemment tous les enfants, soit presque un tiers de la population mondiale, sont irrationnels, incompétents et trop jeunes. Tout comme les arguments utilisés par le passé pour refuser le droit de vote aux femmes, cette généralisation démesurée n’est que peu justifiée. 

1*qDyyjfv8SkDgyO1Ot_HfOw.jpeg

Nous observons qu’il n’existe aucun pays au monde qui autorise les moins de 16 ans à voter aux élections nationales et seulement une minorité donne le droit de vote aux enfants entre 16 et 18 ans aux élections nationales ou municipales. Alors que les enfants ont, bien entendu, la liberté d’expression et d’association et le droit d’être entendus comme établi dans le droit international, les occasions d’exprimer leurs opinions et que celles-ci soient considérées dans les prises de décisions sont plutôt rares. 

En pratique, les enfants n'ont pas vraiment le droit de s’exprimer en ce qui concerne les décisions qui régissent leurs vies. Et, cerise sur le gâteau, ils ne peuvent même pas remettre en question les conditions qui les excluent de la prise de décision précisément parce qu’ils n’y sont légalement pas habilités. 

Le droit de vote à la place de la ‘participation’

Dans ce contexte, comment les enfants sont-ils impliqués dans la défense de leurs droits ? À cette fin, la participation des enfants existe bien sous différentes formes et à des degrés distincts, avec des exemples de participation qualifiée de significative (à l’inverse d’une participation insignifiante ?). Certaines de ces formes sont exclusivement dirigées par des enfants sous la forme de comités d’étudiants, de parlements municipaux des jeunes, de manifestations pacifiques et même de syndicats d’enfants travailleurs comme ceux en Bolivie ou au Pérou qui ont un impact politique significatif. Il existe aussi des initiatives dirigées par des adultes qui dépendent entièrement de la participation des enfants, comme la recherche sous la forme de consultations ou de rapports sur des questions relatives aux enfants. 

Ces formes de participation ont toutes sans aucun doute de la valeur, certaines plus que d’autres, et mettent les enfants dans des positions d’influence à des degrés variés. Mais le droit de vote est-il considéré comme une forme de participation ? Si l’on se met un instant à la place des enfants, combien d’entre nous tolérerait une participation sous toutes les formes décrites ci-dessus, à l'exception du droit de vote ? Probablement aucun d’entre nous. Sûrement parce que nous aimons trop nos droits politiques et que l’idée de ne pas en jouir librement représente un affront à notre conscience et à nos valeurs démocratiques.

Cela vaut aussi pour le droit de vote des enfants. Aucune variation du droit à la participation politique ne devrait nous distraire du fait que presque un tiers de la population mondiale en est privée. L’ampleur de cette injustice parle d’elle-même, et pourtant, c’est une question à peine abordée dans la défense des droits des enfants.

Atlas mondial du droit de vote des enfants

1*oOohPbZ7pfM1uaHqRtcnOg.jpeg

Le role des NGOs

Mais alors que pensent les ONG de tout cela ? Comment comprennent-elles la participation des enfants et quel est le meilleur moyen d’y parvenir ? Les réponses sont généralement peu encourageantes.  Il existe bien sûr des organisations qui militent ouvertement pour baisser l’âge du droit de vote dans leurs pays. Mais la plupart des organisations qui impliquent les enfants dans leurs œuvres à un certain degré ne le font que de manière figurative. Cette participation est définie comme symbolique et décorative. 

L’aspect symbolique implique typiquement de faire donner un court discours à un enfant lors du lancement d’une campagne ou d’un rapport élaboré par des adultes, mais sans qu’il ne comprenne les questions abordées ou comment sa présence représente une valeur ajoutée au projet. Alors que, dans ce cas, il semble que l’on ait donné la possibilité à l’enfant de s’exprimer, il n’y a en fait aucune assurance ou indication que cela ira plus loin qu'une opportunité de faire une jolie photo. L’aspect décoratif ne se cache même plus derrière des faux-semblants en décrivant que l’unique raison de l’implication des enfants est de susciter une réaction émotionnelle du public, comme c’est le cas avec les publicités télévisuelles qui utilisent des images d’enfants malades afin d’encourager les dons. 

Prétendre que ces pratiques sont réalisées avec les meilleures intentions n’est pas suffisant. Les ONG qui travaillent sur les questions relatives aux droits des enfants devraient être plus critiques en ce qui concerne la « participation » des enfants quand celle-ci n’a aucun effet concret sur l’avancée de leurs droits. C’est après tout l’objectif ultime : faire bouger les choses de ce qu’elles sont actuellement vers ce qu’elles devraient être. En tant que défenseurs des droits des enfants travaillant à cette fin, ne serait-il pas plus logique si la communauté d’ONG reconnaissait collectivement et militait pour un type de participation qui offrait aux enfants une réelle implication dans leur société ? 

Un gaspillage insensé

Les droits politiques représentent la possibilité par laquelle les enfants peuvent exercer leurs droits tout en améliorant leurs autres droits. Donner aux enfants le droit de vote les rendrait plus autonomes pour défendre leurs propres droits, plutôt que de continuer à laisser cette responsabilité entre les mains d’adultes bien intentionnés mais potentiellement paternalistes. Il est évident que le droit de vote pour les enfants ne résoudrait pas tous les problèmes les concernant ou ni même qu’il ferait cesser les violations de leurs droits, mais cela leur permettrait d’utiliser leur droit de vote pour améliorer leur participation dans d’autres domaines et renforcer leur présence et leur influence.

L’exclusion automatique des enfants de la vie électorale non seulement les discrédite de leurs droits politiques et de leur engagement, mais représente également un gaspillage énorme de potentiel humain.